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Photo du rédacteurArcs 1800

Prix de l'immobilier en station : toujours plus haut


En station, les prix de l’immobilier continuent de flamber


À proximité des pistes de ski, le coût des logements est en nette augmentation depuis la pandémie. Une tendance loin d’être nouvelle, mais qui s’est accrue à tel point que les prix atteignent parfois ceux des beaux quartiers parisiens. Si les acheteurs restent à l’affût, la situation est plus problématique pour les habitants et les saisonniers. Pour les autorités locales, le défi est de taille.


« Le vrai actif stratégique de la montagne, c’est l’hébergement. » Ces mots ne sortent pas de la bouche de n’importe qui, mais de celle de Dominique Thillaud, directeur général de la Compagnie des Alpes (CDA), interrogé dans le podcast Lama Project. Tout sauf anecdotique, venant de celui qui parle pour une entreprise à la tête de certains des plus grands domaines skiables français, et qui, en plus, développe résolument son offre de logements. Preuve en est : en 2022, la CDA a fait main basse sur l’entreprise MMV, second plus gros opérateur hôtelier des Alpes françaises, pour la somme de 172,6 millions d’euros. Mais pour le particulier aussi, le marché de l’immobilier ne semble pas près de se tarir.


« Il y a une vraie appétence du client à acheter en station », souligne Bérengère Servat, présidente adjointe de la chambre Savoie-Mont-Blanc de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) . Et ce malgré un marché en pleine inflation. « Dans le neuf comme dans l’ancien, le prix au mètre carré en montagne a fortement évolué, reprend-elle. C’est une croissance importante, qui varie d’une station à une autre, mais qui est généralisée sur ces dernières années. Aujourd’hui, on se retrouve avec des prix qui sont très hauts, surtout à certains endroits. » Dans un document publié en janvier 2023, la FNAIM révèle que les prix moyens du mètre carré en station ont bondi de 26,9 % entre juillet 2020 et octobre 2022. Entre 2014 et 2020, ils n’avaient augmenté que de 2,3 %.




« L’immobilier reste un marché de l’offre et de la demande »

Ainsi, cinq stations se classent parmi les vingt communes les plus chères de France. Dans les trois plus onéreuses, les prix dépassent 10 000 euros du mètre carré en moyenne. À Val d’Isère, qui décroche la médaille d’or, ils atteignent même 14 468 euros dans l’ancien. Dans le neuf, ils peuvent atteindre près de 30 000 euros.

« On a beau tourner la question dans tous les sens, l’immobilier reste un marché de l’offre et de la demande, analyse Bérengère Servat, même si le produit qu’on vend a une valeur marchande très élevée. Et sur ces dernières années, on a vu à la fois une raréfaction de l’offre et une augmentation de la demande. » Une tendance liée à la loi Zéro artificialisation nette (ZAN), qui devrait limiter les nouveaux projets immobiliers. D’un autre côté, des stations comme Avoriaz ont d’ores et déjà annoncé ne plus vouloir faire sortir de terre de nouveaux immeubles et plutôt tenter d’optimiser le bâti existant.




« Cinq stations se classent parmi les vingt communes les plus chères de France. Dans les trois plus onéreuses, les prix dépassent 10 000 euros du mètre carré en moyenne. »



Mais alors, d’où vient cette augmentation de la demande, alors que les scientifiques prédisent un enneigement de plus en plus aléatoire ? Pour Bérengère Servat, la tendance est apparue « depuis la Covid-19, pour des raisons qui sont claires : la recherche du grand air et le plaisir d’aller en montagne », assure-t-elle. Sébastien Valentino, notaire à Bourg-Saint-Maurice qui travaille sur les stations de Haute Tarentaise, confirme : « Les gens qui ont vécu un confinement enfermés dans leur appartement en ville se sont dit qu’ils seraient mieux en montagne. D’ailleurs, l’année où les stations sont restées fermées à cause du virus a été la meilleure de notre étude notariale, alors même que les visites de logements se faisaient par visioconférence ! » Pour le moment, l’explosion des prix n’a pas coïncidé avec une chute des volumes de ventes. Dans les grandes stations comme Méribel, les Anglais sont certes moins présents à cause de la crise économique qu’ils subissent. Mais la clientèle européenne, Hollandais, Belges et Français en tête, sont toujours au rendez-vous.



Un marché toujours prisé

En clair, l’augmentation des prix n’a pas découragé les intéressés. Les stations plus abordables ont même vu les rangs des prétendants s’étoffer : « Il y a encore un vrai attrait pour les grands domaines où le mètre carré est inférieur à 8 000 euros, comme Tignes ou Les Arcs, par exemple », assure Bérengère Servat. « Ces dernières années, les stations-villages qui sont reliées à une grande station sont aussi très prisées. Par exemple, Vallandry est magnifique. Je ne pense pas qu’on y skie beaucoup, en revanche, on skie aux Arcs. L’intérêt d’investir dans une commune comme celle-ci, c’est que vous avez une vie de village intéressante même l’été, tout en conservant des commodités. »

Elle le rappelle : en montagne, l’immobilier reste un achat plaisir, qui permet à la fois de se constituer un patrimoine et de profiter de son logement pour le loisir. Et dans les stations, le développement de l’offre estivale permet aux propriétaires de se projeter hors des saisons touristiques, comme l’illustre Sébastien Valentino : « Certains n’étaient jamais venus l’été en quinze ans, mais ils ont fait exception à cause du virus, au moment où il était difficile de voyager. Ils ont adoré, et ont trouvé un vrai espace de liberté. Les gens qui investissent se disent qu’ils pourront venir le week-end, même en saison basse. »




« On a eu beaucoup de transactions où les gens ont acheté cash, sans prêt. C’est impressionnant de voir ce type d’achats pour des sommes de 600 000 ou 700 000 euros. »



Les stations de Haute Tarentaise sur lesquelles travaille le notaire n’ont pas échappé à la hausse des prix. Aux Arcs 1800, le prix du mètre carré tourne aux alentours de 6 000 à 7 000 euros dans l’ancien, et 8 000 à 10 000 euros dans le neuf, au bord des pistes. « Il y a douze ans, constate Sébastien Valentino, quand on vendait entre 5 000 et 6 000 euros aux Arcs, on était dans le très haut du panier. En douze ans, les prix ont pratiquement doublé. Et c’est à peu près général sur toutes les stations de haute altitude. Et comme la construction de logements neufs va se restreindre, le foncier va devenir de plus en plus rare. »


En 2023, son étude notariale a enregistré une baisse de 20 % des transactions par rapport aux années Covid. Une tendance qui, selon lui, est entre autres due au nombre insuffisant de vendeurs. Mais, pour les biens disponibles, certains n’hésitent pas à y mettre le prix. « Ceux qui achètent sont principalement des cadres ou des cadres supérieurs, qui ont déjà une résidence principale et viennent pour le plaisir, note-t-il. On a eu beaucoup de transactions où les gens ont acheté cash, sans prêt. C’est impressionnant de voir ce type d’achats pour des sommes de 600 000 ou 700 000 euros. »


Si, de manière logique, les logements les plus abordables sont les plus éloignés des pistes, l’inflation a également gagné les vallées. « À Bourg-Saint-Maurice, affirme le notaire, quand je suis arrivé, on tournait autour de 2 500 à 3 000 euros du mètre carré. Aujourd’hui, on ne trouve quasiment plus rien sous 4 000 euros. » Le problème de la situation, relève-t-il, est que le prix d’achat entraîne l’augmentation des loyers. Par conséquent, les propriétaires préfèrent louer leur logement à la semaine, pour profiter des tarifs offerts par les périodes touristiques, plutôt qu’à l’année. « Ça pose le problème du logement pour les gens du pays. Même certains de mes collaborateurs sont obligés de se loger dans les villages alentour. »


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La station des Arcs 1600 et son architecture contemporaine labelisée par le Ministère de la Culture. 6 ©Julia Kuznetsova/Shutterstock




Locaux et saisonniers poussés dehors ?

Ce constat, Éric Adamkiewicz le rejoint. Ancien directeur de l’office du tourisme des Arcs - Bourg-Saint-Maurice, il est aujourd’hui enseignant-chercheur à l’université de Toulouse, où il travaille sur les questions de gouvernance touristique. « Pour les meublés ou les résidences, ce qui est présenté, c’est que pour s’en sortir, il faut monter en gamme, analyse-t-il. Et plus vous montez en gamme, plus le prix du mètre carré augmente, et moins les locaux vont pouvoir se loger. » Une affirmation qui repose à la fois sur l’explosion des loyers et sur la diminution de l’offre de location longue durée.


Car, selon Éric Adamkiewicz, celle-ci cumule deux désavantages : elle est moins rentable du point de vue du propriétaire, et elle l’empêche de profiter de son bien. Conséquence : « Ça amène des mouvements pendulaires, regrette-t-il. Les saisonniers et les habitants permanents sont forcés de s’éloigner de leur lieu de travail. Dans la Tarentaise, beaucoup de gens habitent à Albertville et montent travailler pendant la saison. Les villages et les stations se vident, où la population à l’année est minimale. Si la fréquentation passe de 10 000 personnes à 50, le boulanger ne va pas rester ouvert, et c’est pareil pour les autres commerçants », illustre-t-il.

Le maire de la commune de Bourg-Saint-Maurice et des Arcs, Guillaume Desrues, est lucide sur la conjoncture de l’immobilier dans sa zone. « Les promoteurs nous disent que les gens sont intéressés par deux endroits : le littoral et la montagne. Et comme nous sommes au carrefour de grandes stations, il y a une vraie pression sur le foncier », admet-il. Et pourtant, avec ses 7 000 habitants à l’année, son hôpital, son lycée et ses centres commerciaux, le village loge aussi des travailleurs qui ne dépendent pas du tourisme, même si le maire défend que le ski reste le poumon économique de la vallée.


Pour lui, « si quelqu’un décroche du jour au lendemain un travail dans le coin, se loger relèvera du parcours du combattant. » Et pour cause : « Nous avons moins d’un pour cent de logements vacants, ce qui revient à la même tension que Paris. Il n’y a pas de turn-over suffisant pour assurer une rotation des locataires et les prix sont très élevés. Malheureusement, celles et ceux qui arrivent à acheter ne sont pas les jeunes couples. Ce ne sont pas des primo-accédants », constate-t-il.




« Si quelqu’un décroche du jour au lendemain un travail dans le coin, se loger relèvera du parcours du combattant. »



Pourtant, le maire de Bourg-Saint-Maurice dispose de leviers. Sa commune a été placée en zone tendue le 3 octobre 2023, ce qui lui permet d’être éligible à plusieurs dispositifs. Parmi eux, un encadrement du tarif d’accession au logement, ainsi que la surtaxe d’habitation des résidences secondaires, qui peut monter jusqu’à 60 %. « Cet argent nous permet de financer une partie de notre politique de l’habitat, indique Guillaume Desrues. Par exemple, nous venons de lancer un projet de logement pour les travailleurs saisonniers aux Arcs. On travaille aussi sur le quartier des Alpins, une ancienne caserne militaire qui était initialement dédiée au tourisme. Le nouveau quartier va sortir de terre en 2025 et l’ensemble des lots sera dédié à l’habitat à l’année. Dans le cahier des charges du projet, on veut qu’il y ait 20 % de logements sociaux, 20 % de baux réels solidaires et 60 % de biens en accession libre. »


La flambée des prix de l’immobilier n’est donc pas une fatalité, à partir du moment où la commune possède le pouvoir d’en contrer les effets. Le notaire Sébastien Valentino le clame : « C’est aux politiques publiques de réserver des logements à cette population. Certes, c’est la station qui fait monter les prix. Mais sans elle, il n’y aurait pas de travail pour les gens qui cherchent à se loger ! »


« L’activité se dirige vers un écrémage de sa clientèle »

Dans la station d’Avoriaz, en Haute-Savoie, la courbe de l’immobilier suit celle des autres stations : elle grimpe. Et comme aucun nouveau logement n’a été construit depuis 2014, « la demande se rabat sur l’ancien, ce qui fait monter les prix », rapporte le directeur de la station, Sébastien Mérignargues. « Objectivement, c’est difficile de se loger à Avoriaz, le prix global sur l’année est prohibitif, relate-t-il. Les saisonniers se replient sur le reste de la vallée quand ils ne peuvent pas être logés sur place par leur patron. »


D’une certaine manière, il déplore cette tendance à l’augmentation des coûts. « À Avoriaz, nous sommes dans le top dix des stations françaises les plus chères, nous avons moins de jeunes, le renouvellement générationnel ne se fait pas et la tendance est à une baisse du nombre de journées skieurs, témoigne-t-il. Les sports d’hiver, qui étaient déjà un loisir cher, deviennent un loisir de luxe, et ça ne va pas s’améliorer avec l’inflation. Chaque fois, on élimine des clients et on va en chercher d’autres qui ont les revenus nécessaires pour se payer le séjour.»




« C'est difficile de se loger à Avoriaz, le prix global sur l’année est prohibitif, les saisonniers se replient sur le reste de la vallée quand ils ne peuvent pas être logés sur place par leur patron. »



Mais, paradoxalement, cette situation ne met pas la vitalité économique de la station en danger : « C’est là mon petit côté schizophrène : ça fait cinq saisons d’affilée que nous battons notre record de fréquentation, ce qui n’est pas la tendance de la montagne », témoigne-t-il. Un chiffre qui regroupe les étés 2021, 2022 et 2023 ainsi que les deux derniers hivers, mais dont il n’est pas certain de devoir se réjouir : « C’est l’arbre qui cache la forêt. Je fais ce métier depuis 30 ans, et ma crainte aujourd’hui, c’est que d’ici 20 ans, on suive le modèle des États-Unis. Aujourd’hui, 10 % de la population française et européenne part skier (chiffre pouvant varier selon les sources : 8 % selon l’Observatoire des Inégalités, 13 % selon Ipsos, N.D.L.R.). En Amérique du Nord, la zone qui enregistre le plus grand nombre de journées skieurs, il n’y a que 2 à 3 % de la population qui skie. Et ce sont ceux qui sont capables de se payer des forfaits à 200 ou 250 dollars la journée. Avec cette augmentation perpétuelle des prix, et notamment de l’immobilier, l’activité se dirige vers un écrémage de sa clientèle. »


Le réchauffement climatique, à terme, devrait contracter l’offre autour des stations de haute altitude et entraîner une nouvelle spirale inflationniste. Mais la hausse des prix du logement est bien actuelle, et ses conséquences très concrètes. Elles impliquent notamment que les stations, si elles jouissent toujours d’une bonne popularité, peuvent de plus en plus difficilement être qualifiées de populaires.

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