80% des stations françaises vont pouvoir assurer la pratique du ski jusqu’en 2050, voir au-delà, à condition de pouvoir produire en complément de la neige de culture. Quel en est le bilan environnemental ?
Selon les études du CNRS et de l’INRAE mettant en perspective les simulations ‘’Climsnow’’ : quel que soit le scénario climatique, un taux de couverture de 45 % de neige de culture permet de maintenir jusqu’en 2050 des conditions d’enneigement agrégées pour la quasi-totalité des stations de montagne. De quoi rassurer les professionnels du secteur sur la pérennité de l’activité touristique en montagne l’hiver.
Mais alors, la question de la production de la neige de culture se pose donc de façon existentielle. En revanche, il devient indispensable de s’interroger : quel est l’impact environnemental de la production de neige de culture que le grand public nomme ‘’neige artificielle’’ ?
La réponse doit être étayée, argumentée et surtout attestée
Les domaines skiables français s’étendent sur une surface de 160 000 hectares, dont environ 26 000 de pistes de ski alpin. 40 % de la surface totale des pistes est sécurisée par la production de neige de culture. Cet assez considérable ! Par voie de conséquence, pour produire une telle quantité de cette neige, il faut de l’eau, beaucoup d’eau… d’où la nécessaire question sur son impact environnemental.
Pour commencer, il est intéressant de faire une analyse comparative avec les autres pays. Comment se situe la France ?
Il se trouve que les Alpes françaises bénéficient d’une situation très privilégiée. Bien sûr, 40% de production de neige de culture est un pourcentage élevé, mais bien loin des :
90% pour l’Italie du Nord.
70% pour l’Autriche
60% pour l’Espagne
Et même 49% pour la Suisse
Seuls les pays scandinaves avec seulement 25% sont moins gourmands
Reste que la production de 40% de neige de culture nécessite le prélèvement de 25 millions de mètres cubes d’eau. Même s’il faut 1 mètre cube d’eau pour produire 2 mètres cubes de neige, ça fait beaucoup d’eau prélevée, même si à titre de comparaison, c’est largement inférieur aux 160 millions d’eau des piscines privées.
Le pavé dans la mare de la Cour des Comptes
Certaines directions départementales des territoires (DDT), services de l’État déconcentrés dans les territoires ont mis en place des observatoires et rendent les données publiques. C’est sur cette base que la Cour des Comptes a publié un rapport à charge contre les stations de montagne dénonçant à titre d’exemple : « Qu’en Savoie, la neige produite représenterait environ 8 % des prélèvements ». De quoi frapper les esprits, ce qui n’a pas manqué d’être fait, que ce soit de la part des écologistes qui n’en espéraient pas tant, que des vacanciers culpabilisés de descendre des pistes blanchies avec l’eau des citoyens !
Qu’en est-il vraiment ?
Pierre Moscovici, le président de la Cour des Comptes se base sur les déclarations des DDT. Celle de la Savoie oscille ces dernières années entre 7 et 9 millions de m3. Ensuite il compare ces chiffres aux 90 millions prélevés dans ce département pour l’ensemble des usages hors eaux turbinées et énergie. Le pourcentage s’établit alors bien à hauteur de 8%. Sauf que le prélèvement total d’eau sur le département de la Savoie n’est pas de 90 millions, mais de 10 milliards de mètres cubes. Ce qui n’est pas du tout la même chose.
Conclusion, la Cour des Comptes, et c’est un comble pour une institution de cette veine, se trompe de base comparative !
Alex Maulin, alors Président de Domaines Skiables de France expliquait : « Si vous prenez les données publiées par l’organisme officiel EauFrance bnpe consultable en ligne : le prélèvement total d’eau sur le département de la Savoie s’élève à plus 10 milliards de mètres cubes. L’eau prélevée pour la neige de culture en Savoie représente moins de 10 millions de m3. Chiffre vérifiable sur l’observatoire savoyard. Il en résulte que le prélèvement d’eau pour la neige de culture en Savoie est inférieur à 0,1% des prélèvements totaux du département, donc sans aucun rapport avec les 8% annoncé pas la Cour des Comptes. Voilà la réalité des chiffres et elle est incontestable ».
D’où vient cette eau ?
Pour 65%, cette eau provient des retenues d’altitude qui se remplissent par ruissellement et par des apports extérieurs. Le parc français de ces dernières se compose d’environ 150 ouvrages, situés généralement entre 1 200 et 2 700 m et soumis à l’approbation des collectivités et des services instructeurs de l’État. Jean-Luc Boch, le président de France Montagnes et de l’association nationale des maires des stations de montagne de préciser : « C’est important de bien préciser les données et de ne pas laisser dire que nous ponctionnons l’eau des villes. Les 2/3 de l’eau utilisée pour la production de neige de culture proviennent de nos retenues d’altitudes et le complément par les trop-pleins d'eau potable, des rivières ou des barrages hydroélectriques ».
Restitution
Certes, la provenance de l’eau reste une information qui compte dans l’analyse de la situation, mais le point essentiel porte sur la restitution.
La gestion de l’eau sera le combat des décennies à venir et en particulier celui des fuites dans les réseaux de distribution d’eau portable, évaluées à plus d’1 milliard de mètres cubes ! Une paille par rapport aux 25 millions pour produire de la neige de culture, d’autant que cette dernière se restitue :
L’observation de la situation démontre qu’en fin de saison 80% de l’eau prélevée pour la production est restituée dans le bassin versant où elle a été prélevée, avec la fonte de neige. Les 20% restant étant dû à l’évaporation.
Cette observation est-elle fiable ? Jean-Luc Boch répond qu’il ne parle que se basant sur des études scientifiquement sérieuses. Il dit : « Oui ce chiffre de 80% est avéré. La dernière étude qui vient de m’être présentée évoque même que l’évaporation de dépasserait pas les 5%. Il y a donc bien une restitution à la nature de la quasi-totalité de l’eau prélevée ».
Et puis ajoute Fabrice Pannekoucke, Président Auvergne-Rhône-Alpes : « la neige de culture, ce n’est que de l’air et de l’eau, sans aucun adjuvant ».
Et le bilan carbone des stations ?
Les initiatives se multiplient comme Aux Arcs et à La Plagne, qui ont généralisé l’utilisation de ce biocarburant à l’intégralité de leur parc de dameuses (carburant de synthèse HVO)
Au-delà, un chiffre résume tout : il n’y a pas plus de 3% des clients venant par un long courrier. Sinon la structure de clientèle de la montagne en hiver se compose de 70% de Français et 30% étrangère dont principalement des britanniques ou des belges qui sont en proximité européenne.
Tout est donc bien dans le meilleur du monde ? Pas toujours, conclut Jean-Luc Boch : « je regrette que la SNCF ne distribue pas assez de train pour nous desservir. Elle se préoccupe davantage de contrer la concurrence de Tranitalia ou de Renfe en mobilisant des rames de TGV plutôt que pour notre marché captif ». Le message est passé.
Pour conclure, la Cour des Comptes devrait apprendre à compter
Plutôt que de jouer sur les effets d’annonce, nous attendons de la Cour de Comptes des rapports dûment renseignés. Il y a suffisamment d’experts dans ce domaine pour s’appuyer sur des données vérifiées. Sinon la crédibilité de la parole publique s’en trouve écornée, ce qui contribue une nouvelle fois, à rompre la confiance des électeurs. Ils finissent par dire : ‘’on fait dire aux chiffres ce que l’on veut’’. Mais se tromper de la sorte, dans une proportion de 1 à 100 ! ce n’est pas excusable de la part de cette instruction, une sorte de police des polices.
La montagne représente 1/3 de l’offre touristique nationale
Sachant que le poids économique du secteur de la montagne représente :
138 000 emplois
12 000 magasins
10 millions de touristes en hiver
6 800 000 lits touristiques dans la zone des massifs de montagnes soit 1/3 de l’offre touristique nationale
Anne Marty, nouvelle présidente de Domaines Skiable de France de conclure : « Bien entendu, nous prenons en compte le dérèglement climatique en travaillant en permanence sur la durabilité de nos espaces naturels. Nous mesurons que depuis 1966 nous avons perdu un mois d’enneigement. Mais la pratique des sports d’hiver a permis de stopper l’exode rurale, autrement plus pénalisante sur l’environnement ».
Ce qui rejoint l’injonction de Jean Pierre Nadir : ‘’commençons par sauver l’humanité pour sauver la planète ». voir article
Avec en perspective les prochains Jeux olympiques d’hiver sur l’ensemble des stations françaises, avec une promesse, celle de Fabrice Pannekoucke : « Nous allons démontrer que notre montagne est la plus durable du monde ».
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