
"Service public" ou gouffre financier ? L’avenir incertain d'une station de ski près d'Annecy, menacée par le changement climatique
La station du Semnoz (Haute-Savoie) fin janvier 2025.
En Haute-Savoie, la petite station du Semnoz est située dans le massif des Bauges sur les hauteurs d’Annecy. 1 400m d’altitude au pied des pistes – 1 700m au sommet. Mais quel est l'avenir pour le ski au Semnoz à l’heure du réchauffement climatique ?
En Haute-Savoie, l’avenir du Semnoz est au cœur des débats. Avec un sommet culminant à 1 700 mètres, la station de ski qui se situe à proximité du centre-ville d’Annecy souffre d’un faible enneigement. Que deviendra-t-elle face au changement climatique ? La question agite la sphère politique.
Située à 1 700 mètres d’altitude, la station du Semnoz offre une vue panoramique sur le Mont-Blanc. Ce territoire, basé au cœur du massif des Bauges, sur les hauteurs d’Annecy, Hervé Dumas le connaît bien. Responsable du damage des pistes depuis 20 ans, il constate une baisse de l’enneigement. "On sent qu’il y a moins de neige et cela nous demande plus de travail qu’avant car il faut aller la chercher en dehors des pistes", explique-t-il en raclant les alpages.
Lors des vacances de Noël, la saison avait idéalement commencé. Un paysage de carte postale gâché avec l’arrivée du redoux, un mois plus tard.
En Haute-Savoie, la petite station du Semnoz se situe dans le massif des Bauges sur les hauteurs d’Annecy. Photographie prise à la fin du mois de janvier 2025.
Météo-France n’effectue aucun relevé au Semnoz et la comparaison est donc faite avec le massif voisin de la Chartreuse, à altitude similaire. "Si on regarde l’évolution au col de Porte avec 60 années de données, compare Gilles Brunot, responsable adjoint de Météo-France dans les Alpes du Nord, on voit une nette baisse de l’enneigement, qui est même divisé par deux sur cette longue période."
La neige artificielle, une histoire récente
Cinq canons à neige ont été installés au Semnoz en 2017, alimentés par un seul réservoir situé au sommet de la station. Ce dernier peut produire 8 000 mètres cubes de neige chaque hiver. "C’est le service minimum, on met à peine vingt centimètres sur la piste", regrette Hervé Dumas.
Le problème actuel est le manque d’eau.
Hervé Dumas, responsable du damage des pistes
"Les canons à neige produisent pendant cinq jours pour toute la saison et nous cramons notre quota d’eau", poursuit le responsable du damage. Le Semnoz aurait pourtant la possibilité de produire plus de neige grâce à un système de captage des eaux de fonte. L’eau est pompée puis réacheminée jusqu’au réservoir, mais la station n’a pas l’autorisation préfectorale pour la réexploiter. "C’est du gâchis", lâche Hervé Dumas.
L’installation de nouveaux canons n’est pas à l’ordre du jour et l’avenir du ski alpin pourrait être compromis au Semnoz.
Que deviendra le versant sud ?
En effet, depuis fin janvier, le secteur des Bauges est à l’arrêt complet. Le versant sud de la station, ouvert il y a plus de cinquante ans et gérée par le Grand Annecy depuis 2019, est désert tout comme le télésiège, les deux téléskis et les six pistes disponibles.
“L’année dernière, ça avait ouvert vingt jours et cette année, c’est déjà fermé après quinze jours. C’est pour ça qu’il faut se poser la question de l’avenir de ce versant”, estime Alexandre Mulatier-Gachet, membre du conseil d’exploitation du Semnoz et premier adjoint à la mairie d’Annecy (divers écologistes) où la majorité municipale souhaite organiser un sommet sur l’avenir de la station en réunissant des habitants, des scientifiques et des professionnels pour réfléchir à l’horizon 2040.
Depuis deux ans, l’agglomération a versé plus d’un million d’euros de subventions chaque hiver pour équilibrer les comptes en raison du manque d’enneigement et de l’amortissement du telemix pour lequel 8 millions d’euros ont été investis en 2018. “Ce qui n’est plus possible, c’est de financer un déficit de 1,2 million d’euros chaque année pour le Semnoz”, affirme l’élu. “L’argent public doit être utilisé à d’autres endroits (...) et donc, à terme, l’une des propositions est potentiellement de fermer le versant Bauges et de réserver l’autre côté pour l’apprentissage, pour les enfants”.
Le Semnoz “fait partie du service public”
“Très clairement, on n’investira pas sur du ski alpin et sur de nouvelles infrastructures, ça n’a plus de sens,” affirme Frédérique Lardet (Horizons). Si la présidente du Grand Annecy n’enterre pas pour autant le ski au Semnoz, le prix des forfaits pourrait augmenter pour compenser les déficits.
On parle du ‘savoir nager’ et moi, depuis toute petite, on me parle du ‘savoir skier’.
Frédérique Lardet, présidente du Grand Annecy (Horizons)
“Je considère que le Semnoz fait partie du service public, l’idée est de ne pas faire de perte ni de bénéfice, donc j’ai demandé aux agents de travailler sur le calcul d’un prix au forfait qui resterait raisonnable”, poursuit Frédérique Lardet.
“Idéalement, on aimerait bien avoir un service public du ski”, souffle Fabienne Grébert, conseillère municipale (Les Ecologistes) à Annecy et vice-présidente du parc naturel régional des Bauges, “mais dans les faits, nous devons faire des économies et ce n’est peut-être pas la priorité”. “Autant ça peut être la priorité de financer un service public pour garantir le droit à nager à chaque enfant, car c’est une question de vie ou de mort, contrairement au ski”, nuance l’élue.
A 25 minutes du centre-ville, le Semnoz reste la station des Annéciens et beaucoup y ont appris à skier. “On a beau y être attachés, skier ici dans vingt ans me paraît compliqué”, regrette l’un d’entre eux. Réduire la dépendance au ski est le défi majeur des stations de moyenne montagne dans les années à venir.
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