Alpes : Comment (et pourquoi) vidange-t-on le Rhône au printemps ?

Du sable, du gravier et de la vase : pourquoi le fleuve du Rhône est, en partie, vidangé ?

Les sédiments accumulés dans le Rhône sont évacués de barrage en barrage jusqu'à la Méditerrannée.

Jusqu'à fin mai, le Rhône est en partie vidangé entre la Suisse et la France afin de protéger la ville de Genève des risques d’inondation. L’objectif : libérer le lit du fleuve de l’accumulation de sédiments. Une opération délicate, car 1,5 million de mètres cubes de matières doit être évacué en douceur pour préserver les poissons.

C’est le moment du grand ménage de printemps pour le fleuve le plus puissant de France. Tous les trois ou quatre ans, le Rhône doit être purgé pour éliminer les tonnes de sédiments qui s’accumulent à l’aval de Genève, au barrage de Verbois.

Pour le nettoyage, le niveau du fleuve a été abaissé pour éliminer 1,5 million de tonnes de limon. Cette matière en suspension doit se diluer le plus naturellement possible dans les eaux du Rhône pour éviter d’asphyxier sa faune et sa flore.

Une coordination internationale

L'opération technique nécessite une grande coordination entre le barrage de Verbois, et le suivant, celui de Génissiat qui se trouve en France, dans l’Ain. Ce dernier doit s’abaisser à son tour en 36 heures pour faire transiter les sédiments en douceur.

Les sédiments sont des particules issues de la désagrégation de roches ou de la décomposition de matières organiques, notamment des végétaux, des bois.

"Nous devons respecter un taux de matières en suspension moyen de 5 grammes par litre pendant toute la durée de l’opération. C’est l’équivalent d’une cuillère à café diluée dans un litre d’eau. C’est pour éviter de causer des dommages à l’environnement, détaille Laurent Tonini, de la direction des territoires de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). Les scientifiques ont démontré que les poissons supportaient très bien une augmentation du taux de matières en suspension jusqu’à 10 ou 12 grammes si ça ne dure pas longtemps. 5 grammes par litre, c’est la garantie que, sur la durée, les poissons ne peuvent pas avoir les branchies colmatées par trop de sédiments".

Au total, le barrage rejette 450 mètres cubes d’eau à la seconde, à une vitesse de 130 kilomètres/heure.

Des analyses sont faites régulièrement dans le Rhône pour vérifier le taux de sédiments dilué dans l'eau.

Plus bas encore, au niveau de Seyssel, en Haute-Savoie, des prélèvements réalisés dans le "vieux Rhône", là où le fleuve retrouve son court naturel, sont analysés par le service environnement de la Compagnie Nationale du Rhône.

"L’objectif, c’est de suivre cette turbidité (teneur de l'eau en particules, NDLR) pour s’assurer qu’elle ne monte pas en flèche dans le vieux Rhône, et surtout de comparer ça aux autres paramètres physico-chimiques comme l’oxygène dissous et la température, qui sont deux paramètres fondamentaux pour la vie des milieux aquatiques", explique Franck Pressiat, au service environnement de la CNR.

Suisses et Français se coordonnent depuis plus de dix ans pour prendre soin de ce fleuve commun. Les opérations de nettoyage vont durer jusqu’au 27 mai. Pendant cette période, les rives et la navigation du fleuve sont interdites.

Jusqu'à fin mai, le Rhône est en partie vidangé entre la Suisse et la France afin de protéger la ville de Genève des risques d’inondation.

Évacuer les sédiments grâce au lac du Bourget

Les sédiments sont évacués par voie fluviale de barrage en barrage jusqu’à la Méditerranée. Mais certaines étapes du parcours, comme le canal de dérivation du Rhône à hauteur de Belley dans l’Ain, sont particulièrement sensibles. Dans cette zone, il faut à tout prix éviter que les sédiments comme le gravier, le sable et la vase ne s’y accumulent pour des raisons environnementales.

Pour libérer le lit du canal, la Compagnie Nationale du Rhône se sert du lac du Bourget qui a gagné 40 centimètres de niveau d’eau depuis la mi-mai. Cet excédent permet de créer un courant assez fort pour délocaliser et entraîner les sédiments qui auraient stagné. Cette eau permet donc une purge sur les zones sensibles du parcours. Le lac du Bourget devrait retrouver son niveau habituel au mois de juin.