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Photo du rédacteurArcs 1800

A La Clusaz et ailleurs, c’est le ski qui doit payer la transition touristique



Faut-il multiplier les canons à neige pour prolonger l'économie du tout-ski dans les Alpes ?

Avec le réchauffement climatique, de nombreuses stations de ski des Alpes misent sur l'enneigement artificiel pour mener leur transition économique. Mais à quel prix ?


Canons à neige contre chauves-souris : à La Clusaz, en Haute-Savoie, un projet de retenue d’eau destinée à alimenter les enneigeurs cristallise les tensions d’un monde de la montagne qui s’interroge sur l’évolution de son modèle économique, ultra-dépendant du ski alpin.


En se promenant avec les écologistes sur le site du projet – 150.000 mètres cubes d’eau dédiés à la neige de culture et à l’eau potable – on découvre la tourbière, merveille de biodiversité, et les habitats de chauve-souris qui nichent au bord du plateau de Beauregard, dans le somptueux massif des Aravis.


Le maire, dans son bureau, avance lui cartes, graphiques et chiffres. Didier Thévenet évoque un lieu en dehors de la zone Natura 2000, peu fréquenté et déjà abimé par la tempête de 1999.


« C’est le ski qui va payer la transition touristique »

Pour lui, ce bassin de rétention d’eau est l’assurance-vie de la commune : en garantissant 30 années de ski de plus, il maintiendrait l’économie du village et l’emploi des habitants.


Face au réchauffement climatique, « Météo France nous dit : si vous enneigez votre domaine skiable à 45% par la neige de culture, vous avez 30 ans de ski équivalent à ce que vous avez actuellement », explique le maire.


« C’est le ski qui va payer la transition touristique dans les trente ans qui viennent », ajoute-t-il. Son objectif : doubler le chiffre d’affaires hors-ski tous les cinq ans.


Pour y parvenir, assure la mairie, il faut pouvoir conserver 100.000 mètres cubes d’eau dédiée à la neige artificielle, auxquels s’ajoutent 50.000 mètres cubes pour assurer l’approvisionnement du village en eau potable, menacé par l’irrégularité croissante des précipitations.


Le projet de 10 millions d’euros a été approuvé par 18 voix sur 19 lors du conseil municipal du 29 avril et les travaux pourraient débuter à l’automne.


« Ce n’est pas une fuite en avant vers la neige de culture », répète inlassablement le maire. « Mon rôle est de maintenir les grands équilibres de la station ». Et de souligner qu’il a refusé en 2020 l’implantation d’un Club Med et l’extension du domaine skiable.


Ces débats, parfois virulents, essaiment partout dans les Alpes : à Gresse-en-Vercors (Isère), les habitants ont voté par référendum en faveur de l’installation de nouveaux canons à neige ; à la Grave (Haute-Alpes), l’extension du téléphérique de la Meije divise la population locale ; à La Féclaz (Savoie), un autre projet de retenue collinaire a provoqué actes de vandalisme et contestations en justice.


« Il y a urgence à attendre »

« Là, on serait sous l’eau ». A La Clusaz, dans un sous-bois couvert de mousse, une coalition hétéroclite est venue expliquer à l’AFP les dégâts qu’une retenue de 3,8 hectares ferait au lieu, où des piquets de chantier ont déjà été installés.


S’y mêlent préoccupations personnelles – un homme craint pour sa source d’eau située en dessous -, considérations environnementales – « on va artificialiser une terre qui est une réserve de biodiversité », s’agace Sandra Stavo-Debauge, candidate EELV aux régionales.


« Il y a urgence à attendre », explique, au téléphone, Virginie de Boisséson, présidente de l’association La Nouvelle Montagne et propriétaire d’un chalet sur le plateau de Beauregard. « Il y a un frémissement dans les attentes des touristes. Ils ne sont plus là pour faire une semaine de ski non-stop. Ils veulent se reconnecter avec la nature. »


Mais la crise du Covid l’a montré cet hiver : sans remontées mécaniques, le modèle économique n’est, pour l’instant, pas viable. Professionnels du ski et défenseurs de l’environnement se disent ainsi tous favorables à une « transition » du tourisme de montagne.


« Un modèle économique reste à construire »

Le terme est suffisamment flou pour les mettre d’accord. Mais qu’est-ce que cela veut dire, concrètement ? « Aujourd’hui, on n’a pas la réponse », reconnaît le maire Didier Thévenet.


Le compte à rebours est lancé. Selon les projections de Météo-France, à 1.750 mètres d’altitude sur le territoire de La Clusaz, la température moyenne annuelle aura augmenté d’ici la seconde partie du siècle de 1,3°C à 2,7°C par rapport à sa moyenne entre 1976 à 2005, avec jusqu’à un tiers de jours de gels en moins chaque hiver.


« Aujourd’hui, le tout-ski, il est fini, mais on n’a pas la solution de remplacement », confirme Eric Adamkiewicz, maître de conférence à l’université de Toulouse et ancien directeur de l’office de tourisme des Arcs-Bourg-Saint-Maurice. « Un modèle économique reste à construire. »

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