Une page de l’histoire de la station savoyarde se tourne. Roger Godino, le dernier des trois mousquetaires à l’origine de sa création, s’est éteint en 2019 à l’âge de 89 ans.
Son nom restera dans l’histoire de la montagne française au chapitre de la «conquête de l’or blanc», menée tambour battant dans les alpages pendant les années 1960-1970. Roger Godino était savoyard, né à Chambéry en 1930. Après de solides études (Polytechnique, Harvard, Massachusetts Institute of Technology), ce fils de cordonnier s’était lancé dans les affaires.
Son brillant parcours d’entrepreneur n’en fut pas moins éclectique, balisé d’initiatives en tous genres, de la fondation de l’INSEAD (Institut européen d’administration des affaires) en 1958 à celles du Think tank Terra Nova et du groupe des Gracques, en passant, entre autres, par l’aménagement des montagnes de l’Arc, le cabinet du Premier ministre Michel Rocard où il fut à l’origine du RMI et de la CSG, le conseil municipal de Chambéry, la présidence de Maison de la France et celle d’Action contre la faim. Il participa aussi, ce que l’on sait moins, à la création des stations de Borovets, en Bulgarie, et de Valle Nevado, au Chili.
Dès 1960, le jeune diplômé avait réalisé une étude de marché sur le potentiel de développement des sports d’hiver. Le sujet l’avait interpellé pendant des vacances chez son copain d’école Gaston Regairaz, installé comme architecte à Courchevel, une station en devenir.
Sa rencontre l’hiver suivant avec Robert Blanc fut décisive. Moniteur-guide à Courchevel, Robert Blanc était un enfant de Tarentaise. Originaire de la haute vallée, au-dessus de Bourg-Saint-Maurice, et issu d’une famille de bergers, il avait passé tous ses étés en alpage dans les montagnes de l’Arc, rêvant - c’était dans l’air du temps - d’y installer un jour une station de ski.
Il fit découvrir le site à Roger Godino qui accepta de se lancer dans l’aventure, donc de la financer, à la seule condition que sa nouvelle Société des montagnes de l’Arc soit maître du foncier. Dans la vallée, le projet déchaîna les passions entre pro et anti-station. Après moult péripéties - notamment l’expulsion des réfractaires de hauts pâturages... - Roger Godino, soutenu par la majorité des élus, emporta le morceau.
Le dernier des trois mousquetaires
Restait à engager des bâtisseurs. Ce fut d’abord l’Atelier d’architecture en montagne de Gaston Regairaz et Guy Rey-Millet. Sauf que les premiers bâtiments ressemblaient étrangement à ceux de Courchevel. Or, Roger Godino voulait du jamais vu pour son futur bébé. D’où l’idée de génie d’en confier la conception à un collectif d’architectes dirigé par Charlotte Perriand. Robert Blanc et ses frères dessinèrent le domaine skiable sur ces pentes qu’ils connaissaient comme leur poche. Et la Société des montagnes de l’Arc se chargea de commercialiser les appartements sur plan afin de financer au plus vite la construction des suivants.
Avec Roger Godino, disparaît le dernier des trois mousquetaires à l’origine des Arcs. Pendant les prochaines vacances de Noël, un hommage public lui sera rendu sur ces neiges de la station où il skiait régulièrement depuis l’inauguration Arc 1600, le premier satellite. C’était il y a cinquante ans.
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