Arcs 1800
Que faire dans les stations à Noël faute de ski alpin ?

Les remontées mécaniques seront fermées pour les fêtes de fin d'année a confirmé le premier ministre ce matin. Raquettes, ski de fond ou de randonnée... Les stations s'activent à proposer des plans B.
Avalanche de réactions, cascades de communiqués, coups de gueule sur les réseaux sociaux… La montagne gronde depuis lundi soir. Très vite, l'esprit de cordée, si cher à Emmanuel Macron, avait pris le dessus.
« Nous allons demander au gouvernement de revoir sa position, nous déclarait mercredi matin Jean-Luc Boch, le président de l'Association nationale des maires de stations de montagne (ANMSM) et de France Montagnes, l'organisme de promotion du secteur. C'est incompréhensible. Le protocole sanitaire que nous avons élaboré en liaison avec le préfet de la Savoie, coordinateur sanitaire pour la montagne à l'échelon national, venait juste d'être approuvé. Quant au risque de saturation des hôpitaux avec les accidents de ski, 94% sont traités en station par les cabinets médicaux. Et nous sommes en outre en discussion avec les cliniques privées pour qu'elles se chargent de la traumatologie ».
Hier, les professionnels de la montagne et du ski avaient rédigé à l'intention du président de la République une tribune mise en ligne ce matin, en exclusivité, sur Le Figaro : «Oui, Monsieur le Président, il faut ouvrir les stations de ski à Noël ». Tandis que les 30 députés montagnards de La République en marche adressaient une lettre au premier ministre qui avait réuni lundi, en visioconférence, professionnels et élus du secteur. « Le président de la République n'a pas été catégorique, s'il reste une possibilité d'ouverture, saisissons-la », espérait encore Xavier Roseren, député LRM de Haute-Savoie.
« Nous demandons au premier ministre de prendre une décision rapidement, expliquait pour sa part Jean-Bernard Sempastous, député LRM des Hautes-Pyrénées qui skie à La Mongie, comme Emmanuel Macron… Nos voisins espagnols et andorrans vont respectivement ouvrir leurs pistes les 11 et 19 décembre. Et Andorre, c'est une vraie machine à neige. Il faut donc savoir très vite à quoi s'en tenir, sinon les vacanciers qui viennent habituellement chez nous, réserveront sur l'autre versant ».
Le premier ministre Jean Castex annonce que les stations de ski resteront fermées pour les fêtes de fin d'année, ces dernières se trouvant dans des régions particulièrement touchées par la covid.
Niveaux de qualité
La confirmation de la mauvaise nouvelle n'a pas traîné. Ce matin, le premier ministre a balayé les derniers espoirs des skieurs. «Mais si la situation sanitaire permet de se déplacer, rien n'empêchera les Français de profiter de l'air pur de nos belles montagnes», a ajouté Jean Castex. Piètre consolation pour les fanas de glisse et les professionnels du ski qui avaient planché d'arrache-pied sur un protocole sanitaire XXL pour protéger les vacanciers et le personnel des stations.
Dès hier, des communiqués avaient pris les devants. « Vacanciers, résidents secondaires et propriétaires pourront toujours, si le confinement était levé le 15 décembre, profiter pendant les vacances de Noël et du Nouvel An d'un séjour en station, avec ou sans possibilité de skier », soulignait Savoie-Mont-Blanc Tourisme, l'organisme de promotion des deux départements savoyards.
Poids lourds des sports d'hiver avec 110 stations et 33,8 millions de journées-skieurs (63% du total français), la Savoie et la Haute-Savoie comptent toutefois 67% de lits touristiques en résidences secondaires et espèrent donc légitimement que les propriétaires répondront malgré tout à l'appel des cimes.
« À Saint-Gervais Mont-Blanc, station 4 saisons, on sait réagir – la station accueillera ses hôtes dès le 15 décembre 2020 », avait immédiatement annoncé le maire, Jean-Marc Peillex, également vice-président du département de Haute-Savoie délégué au tourisme. Et de détailler tous les attraits naturels et culturels de sa commune en concluant : « Cette crise sanitaire nous apprend que nous devons faire preuve d'humilité mais aussi que nous ne devons pas attendre des situations extrêmes ou inédites pour se diversifier et s'adapter ». Il est vrai que ce tourisme « quatre saisons » est dans l'air des alpages depuis quelques années en raison du réchauffement climatique. Alors, que pourrons-nous faire cette fin d'année en altitude si les pistes sont fermées ?
Skier malgré tout
Même si les pistes et les remontées mécaniques sont fermées, on pourra, au départ de la station, remonter des pentes à peaux de phoque, et les descendre ensuite, comme au bon vieux temps. Le ski de randonnée a le vent en poupe, c'est peut-être l'hiver où jamais de s'y essayer. «Quand les pistes sont ouvertes, cette pratique est interdite par arrêté municipal, mais quand elles sont fermées, rien ne l'interdit, explique Michel Charlet, l'ancien maire de Chamonix (Haute-Savoie). D'ailleurs ici, début décembre, avant l'ouverture des pistes, tout le monde fait de la peau de phoque ».
À Noël, en outre, la neige ne sera pas totalement vierge puisque les domaines skiables s'activent à préparer le terrain depuis l'automne et les premiers flocons. Sauf que ceux-ci sont bien tombés en octobre mais se sont raréfiés en novembre en dessous de 2000 m. Tiens, avec la Covid-19, on n'avait pas parlé enneigement depuis un an… Autre option : le ski nordique dont la plupart des boucles sont accessibles sans remontées mécaniques.
Mais quid ceux qui ont besoin d'un professionnel pour s'initier ou se perfectionner à la glisse ? Les moniteurs auront-ils le droit de donner des cours de ski nordique ou de ski alpin, aux petits enfants par exemple, sur des champs de neige de proximité ? «Nous attendons la réponse du ministère des Sports , nous a répondu Jean-Marc Simon, le directeur général de l'École de ski français (ESF). Il conseillait alors d'attendre un peu avant d'annuler, rappelant que « si les cours étaient impossibles, ils seraient remboursés ».
Prendre de l'altitude
Certaines remontées mécaniques peuvent-elles ouvrir malgré tout pour les randonneurs, les « raquettistes » ou les contemplatifs ? « C'est ce que je vais demander au préfet de Haute-Savoie, répond Mathieu Dechavanne, le Pdg de la Compagnie du Mont-Blanc, gestionnaires des domaines skiables de Chamonix, Les Houches et Megève et des deux trains à crémaillère de la région. Cet été, dans la vallée de Chamonix, nous avons transporté 2,3 millions de passagers, sans un seul cluster Covid grâce à un protocole sanitaire très sévère. Nos bennes sont nettoyées et aérées, ce n'est pas le métro ! »
Cette requête concerne les remontées panoramiques : à Chamonix le vertigineux téléphérique de l'Aiguille du Midi (3.842 m d'altitude) et le téléphérique du Brévent (la plus belle vue sur le Mont-Blanc et le glacier des Bossons) ; à Megève, le téléphérique de Rochebrune et la télécabine du Mont d'Arbois.
Elle inclut également le train du Montenvers chamoniard qui monte à flanc de montagne jusqu'à la mer de Glace (1.900 m) et le TMB (Tramway du Mont-Blanc) qui grimpe en 40 mn de Saint-Gervais-Le Fayet (600 m) jusqu'au col de Bellevue (1.800 m), en s'arrêtant à Saint-Gervais et au col de Voza où l'on chausse habituellement les skis sur le domaine du Prarion (Saint-Gervais-Les Houches). Mais à défaut de glisse, le plateau d'arrivée peut très bien se prêter à la balade à pied ou en raquettes.
De son côté, Saint-Gervais espère également ouvrir la télécabine qui monte de la station au Bettex puis jusqu'au Mont-d'Arbois. « Elle ouvrirait le 15 décembre, au lieu du 12 prévu initialement, précise Didier Josèphe, le directeur de l'office de tourisme. À défaut de ski de pistes, nous proposerons là-haut des activités encadrées par la Compagnie des Guides, des balades en raquettes avec les accompagnateurs et du ski de randonnée avec les guides».
Autre exemple, dans les Hautes-Pyrénées, au-dessus de La Mongie, le téléphérique du Pic du Midi de Bigorre, couronné des coupoles scintillantes de son observatoire scientifique. « Il sera ouvert, avec ses terrasses et son musée, affirme Jean-Bernard Sempastous. C'est un site touristique qui ne donne pas accès à des pistes de ski ». On peut toutefois redescendre hors-pistes par la face sud depuis le sommet ou la gare intermédiaire…
Quelles autres activités ?
Randonnées pédestres, sorties raquettes, balades en traîneau à chiens, escalade de cascade de glace, luge… « Toutes les activités en extérieur sont possibles. Reste à savoir ce qui sera proposé en fonction de la fréquentation », résume Jean-Marc Silva, le directeur de France-Montagnes, en charge de la promotion des cinq massifs français. Dans les jours qui viennent, des informations seront mises en ligne sur son site.
Quant aux loisirs autorisés en intérieur, ils seront les mêmes qu'ailleurs : musées, expositions, cinémas mais pas de sport, autrement dit ni piscine, ni patinoire, ni murs d'escalade et autres activités « indoor » proposées par les palais des sports.
Les hébergements seront-ils ouverts ?
C'est la grande question quand on n'a ni résidence secondaire, ni famille, ni amis sur place. Les réponses varient selon les types d'hébergement, leur capacité et les stations. A priori, les locations de meublés et chalets individuels entre particuliers seront possibles. Pour les hôtels, la situation est plus compliquée puisque les restaurants seront fermés. Certains établissements sont malgré tout prêts à assurer des repas en room service. À vous de savoir si vous avez envie de petit déjeuner et dîner tous les jours dans votre chambre.
Quant aux grandes enseignes, elles s'interrogent. Le Club Med ouvrira-t-il ses villages de montagne, parmi lesquels le tout nouveau resort de 395 chambres de La Rosière (Savoie)? Et sans restaurant, quelle galère pour nourrir les GM matin, midi et soir (les forfaits sont en pension complète)… Réponse dans quelques jours.
Pour leur part, les résidences Odalys et Pierre & Vacances avaient déjà 45% de chiffre d'affaires de la fin de l'année assuré avant le confinement et n'ont eu depuis que très peu d'annulations. Preuve que les Français avaient vraiment envie de venir à la montagne.
«Si la situation se maintient ces prochains jours, si l'on sent que l'on peut tabler sur 50% à 60% de remplissage, on pourra ouvrir certaines résidences. Mais sans le ski et avec les restaurants et bars fermés, c'est difficile de faire venir des gens dans les stations donc je doute que nous puissions ouvrir. J'espère me tromper. On y verra plus clair lundi, estime Laurent Dusollier, le directeur général du groupe Odalys. Si les pistes sont fermées, nous n'ouvriront pas, sauf peut-être dans les stations où il y a une vie à l'année, conclut Grégory Sion, le directeur général de Pierre & Vacances hier. Mais chez nous, cela ne concerne que cinq sites, Chamonix, Megève et les Houches dans les Alpes, plus Font-Romeu et Saint-Lary dans les Pyrénées ».