Arcs 1800
Ouverture des stations de ski : un espoir à l'horizon pour Noël !

Malgré la mise en place d'un protocole sanitaire strict, les stations de ski ne savent toujours pas si elles vont pouvoir ouvrir à Noël.
« Nan, nan ! On bouffe sur le télésiège et on skie pendant que les cons sont au resto. » Chaque hiver, les perles des neiges fusent sur les remontées mécaniques. Un groupe Facebook « Entendu sur un télésiège » se charge de récolter petites phrases, bons mots, traits d'esprit et aphorismes, prononcés sur les télésièges, télécabines et téléskis, aux quatre coins des massifs. À quelques semaines du lancement de la saison hivernale, les téléportages risquent de ne rien débiter si les stations n'obtiennent pas la validation par les autorités gouvernementales de leur protocole sanitaire pour accueillir les vacanciers. Le Covid est toujours là, le confinement a cogné les esprits, pulvérisé les rêves. Ses effets font surgir des cernes de rhinocéros et les perspectives de séjour à la neige n'augurent rien de réjouissant.
Pour autant, les acteurs du milieu montagnard, confronté à la raréfaction de l'or blanc et à la diminution de ses usagers, ne baissent pas les bras et veulent croire à l'ouverture des stations dès la fin du confinement. « Cela fait un mois que l'on travaille le protocole sanitaire, explique Jean-Luc Bloch, président de France Montagnes. Le dossier a fait des dizaines d'allers et retours entre les différentes instances. On a revu les fiches des différents corps de métier une par une. Nous espérons une réponse d'ici à la fin de la semaine et nous verrons s'il faut y apporter des modifications. » « Tout a été fait pour que les stations ouvrent dès que le feu vert sera donné par le gouvernement, renchérit Claudie Blanc-Eberhart, directrice générale de Savoie Mont-Blanc Tourisme. On espère un lancement autour de la mi-décembre, peut-être la troisième semaine. » Dans les Pyrénées, les institutionnels et les gestionnaires des stations de ski se disent « très confiants, prêts à ouvrir en s'adaptant aux futures mesures gouvernementales ».
Huit personnes sur un télésiège avec masque
Le cœur du dispositif décline les décisions sanitaires gouvernementales sur toutes les étapes d'un parcours client depuis sa réservation, son arrivée en voiture ou à la gare SNCF jusqu'à son acheminement sur le site, en passant par l'accueil à l'office du tourisme, l'achat d'un forfait, la location et la vente de matériel. Première règle, le port du masque obligatoire, comme partout et à partir de 11 ans, dans tous les lieux publics, intérieurs et extérieurs : gare, quai, bus, files d'attente, points de vente, remontées mécaniques (télésiège, télécabine, téléphérique), à l'exception des téléskis puisqu'on est tout seul, et les tapis. À la différence de certaines stations en Autriche ou en Italie, il n'est pas prévu de régulation des remontées mécaniques, donc pas de limitation de débit ou de capacité. On pourra être six dans une télécabine, comme huit sur un télésiège. Deuxième règle : la distanciation physique. Elle s'impose dans les files d'attente. Il n'y aura pas de règlement spécifique pour le téléportage indoor et outdoor, puisque les gens à l'intérieur des gares garderont leurs distances et seront masqués. « On sait que les gens ne s'agglutineront pas comme ils ont tendance à le faire. La régulation se fera par l'inquiétude et la peur de contamination », appuie Jean-Luc Bloch.
Les règles, sauf réajustement, sont donc moins strictes que cet été. « La pratique des sports de glisse en plein air et leur équipement (casque, gants, masque de vue…) favorisent les gestes barrières »,rappelle France Montagnes dans l'infographie du parcours client. Emmitouflé de la tête aux pieds sur un télésiège qui avance avec un vent de face à 20 km/h, on a très peu de chances d'être contaminé, alors, pourquoi faut-il porter un masque ? Stéphane Chassignol, président du mouvement-outdoor.fr, groupe de lobbying des pratiquants, compare cette mesure au coupe-vent de 15 grammes imposé par les organisateurs de courses de trail. « Il n'est d'aucune utilité pour affronter la pluie, personne ne le met, mais l'avoir avec soi permet d'être en phase avec le règlement. » À cette différence que le masque devra être porté. Cette mesure fait partie des obligations des opérateurs de la montagne qui ne font qu'appliquer le protocole des transports. « On a 100 fois moins de chances d'être contaminé sur un télésiège que dans le métro, reconnaît Jean-Luc Bloch. Mais 90 % du chiffre d'affaires d'une station se réalise en hiver. Notre objectif est de tout faire pour obtenir des taux records de protection. »
2,55 blessés pour 1 000 journées skieur
Les enjeux sont énormes. En 2020, Domaines skiables France (DSF) estimait ainsi que plus 120 000 emplois dépendent de l'ouverture des pistes (commerces, hébergements, écoles de neige). À la mi-mars, la fermeture anticipée de presque toutes les stations lors du premier confinement aurait généré entre 1,5 et 2 milliards d'euros de pertes dans l'Hexagone. Ce vendredi 13 novembre, au cours d'une réunion en visioconférence, suivie par une cinquantaine d'élus et d'acteurs du tourisme local, le préfet de Haute-Savoie, Alain Espinasse, a laissé planer que les stations pourraient ne pas ouvrir si l'accidentologie de montagne venait concurrencer les malades du Covid, « dans des hôpitaux qui ont déjà dû déprogrammer des opérations », rapporte le Messager.fr, média local. « Dans le fil des débats, il a évoqué cette possibilité, et cela a jeté un froid sur tous les acteurs de la montagne, raconte Claudie Blanc-Eberhart. Les gens se sont dit : “Ouh là là, qu'est-ce qui se passe ?” Il a lancé cette phrase dans une assemblée avec beaucoup de monde, sans avoir en main les chiffres de l'accidentologie, et c'est remonté sur les marchés étrangers. » Or, d'après l'observatoire de l'association Médecins de montagne, l'hiver dernier, plus de neuf blessés sur dix ont été pris en charge au sein des cabinets des médecins. L'incidence du risque s'établit à 2,55 blessés pour 1 000 journées skieur. « Avec une hypothèse de fréquentation à la baisse entre 30 % et 50 %, par déduction, le nombre d'accidents sera moins élevé », poursuit Claudie Blanc-Eberhart.
« Fermer les stations n'est pas une option »
Des Grenoblois ont pris la liberté de se retrouver au sommet du Grand Colon, où ils ont illuminé à la tombée de la nuit un grand cœur pour réclamer de changer la règle 1km, 1 heure.
Autre initiative pour éviter la propagation de l'épidémie : la généralisation dans les stations des tests antigéniques afin de dépister les personnels saisonnier et permanent, mais aussi les vacanciers. « Le conseil départemental de Savoie a acheté 240 000 tests, la Haute-Savoie s'apprête à faire de même, afin de les mettre à disposition des communes. » Des hypothèses sont à l'étude pour lisser les flux de l'hiver, comme l'étalement des vacances de février « Une chose est sûre, fermer les stations n'est pas une option », insiste Claudie Blanc-Eberhart. Le monde de la montagne attend des signes, prêt à s'ajuster à de nouvelles configurations. Le maintien des compétitions prévues pour décembre redonne du baume au cœur. Pourquoi les sportifs de haut niveau ont-ils le droit de caracoler sur les pistes et pas les amateurs ? s'interroge-t-on du côté des amateurs. La semaine dernière, le Syndicat national des guides de montagne est sorti de sa réserve pour réclamer que les activités de pleine nature ne fassent pas l'objet de restrictions d'accès, « pour tous les amateurs », rappelant que « le lien à la nature est un élément essentiel de l'équilibre de l'être humain [...] tant sur le plan physique que psychique et émotionnel. [...] C'est en cela une vraie question de santé publique. » Vendredi dernier, des Grenoblois ont pris la liberté de se retrouver au sommet du Grand Colon, où ils ont illuminé à la tombée de la nuit un grand cœur, pour demander de changer la règle d'un kilomètre, une heure. Du côté des bars et des restaurants, les acteurs combinent leurs ressources pour faire autrement. Une chose est sûre : à la Folie douce, on ne dansera pas sur les tables.
Innover, se battre, manifester, pour ne pas sombrer dans la dépression. La maximisation des chances semble à ce prix. Le confinement levé, domaine skiable ouvert ou pas, les résidents secondaires qui représentent les deux tiers de la fréquentation ont la ferme intention de passer leurs vacances à la neige, en espérant qu'il y en ait, même si ce n'est plus la préoccupation des villégiateurs. Le piège de la peur s'est refermé sur la France, et la montagne s'apprête à accueillir, selon l'étude réalisée début octobre par Savoie Mont-Blanc Tourisme, des touristes dont le souci numéro un est la santé, sans que l'on sache s'il émane d'un désir de bien-être ou de la crainte d'attraper le malheur des autres.