Mont Blanc : les scientifiques au sommet pour analyser la calotte et prévoir les effets du réchauffement
- Arcs 1800
- 4 juin
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Au sommet du mont Blanc, une opération inédite pour percer les secrets de sa calotte glaciaire : "On connaît assez mal son épaisseur"
Pendant 2 jours, les 31 mai et 1er juin dernier, 5 scientifiques français et italiens ont opéré une campagne de mesure de la calotte glaciaire du sommet du Mont Blanc. Une campagne porteuse de nombreuses promesses pour mieux connaître l'histoire du climat alpin
Le beau temps aidant sur le toit de l'Europe, une équipe de scientifiques a lâché drones et géoradars sur la calotte glaciaire du mont Blanc le 31 mai pour une campagne inédite de mesures. Une opération qui va bien au-delà de simples relevés.
Après des jours, voire des semaines d'attente, le jour J est finalement arrivé le 31 mai pour les deux scientifiques français du laboratoire Edytem, et leurs trois collègues italiens de la Fondazione Montagna Sicura - le bras armé de la recherche sur les glaciers alpins de la région autonome de la Vallée d'Aoste (Italie).
Annoncées depuis le début 2025 comme l'un des points clefs de l'année internationale des glaciers décrétée par les Nations unies, les opérations de mesure de la calotte glaciaire du sommet du mont Blanc ont commencé par l'arrivée des deux équipes sur le toit de l'Europe.
Une couverture glaciaire mal connue
Un toit constitué, en fait, par deux sommets. L'un rocheux, culminant à 4 792 mètres. Et l'autre constitué d'un amas de couches de neige et de glace. Situé plus à l'est - car résultant d'une accumulation par le soufflement d'un vent d'ouest - c'est lui qui fait figure de référence lorsque le grand public parle d'une altitude variant entre 4 807 et 4 810 mètres.
"On connaît, en fait, assez mal l'épaisseur de la calotte glaciaire du mont Blanc", explique Ludovic Ravanel, chercheur au laboratoire Edytem, membre de l'équipe française envoyée sur le sommet par l'Université Savoie Mont-Blanc et le CNRS.
"Depuis la dernière campagne de mesure qui date du début des années 2000, on a réussi à évaluer qu'une calotte d'une quinzaine de mètres de neige et de glace recouvre son sommet rocheux, contre une quarantaine de mètres pour celui en neige. Avec nos homologues italiens de la Fondazione Montagna Sicura, on s'est dit que cette année des glaciers était l'occasion rêvée pour lancer une nouvelle campagne de mesure", souligne-t-il.
D'autant qu'en 25 ans, les outils technologiques à disposition des scientifiques ont largement progressé. La précision des GPS différentiels et autres drones Lidar actuels n'ont plus rien à voir avec celle vantée par leurs ancêtres, qui n'existaient d'ailleurs pas tous au début du XXIe siècle.
"En fait, chaque équipe a apporté là-haut ses connaissances sur ses thèmes de recherche et ses outils de mesure les plus performants. Moi, par exemple, dans mon laboratoire à Chambéry, je ne dispose pas de drones Lidar comme ceux de nos amis italiens", ajoute Ludovic Ravanel.
Objectif : un modèle en 3D de la calotte glaciaire
Les Italiens aux commandes des drones et les Français, les mains sur les GPS. Une façon de résumer la répartition des rôles pendant ces deux jours de mesures tous azimuts.
"Le but ultime de cette mission, c'est de fixer précisément la topographie de cette calotte glaciaire", explique pour sa part Fabrizio Troilo, l'un des membres italiens de l'expédition. "Par la suite, on pourra en savoir davantage sur les conséquences du réchauffement climatique global à cette altitude élevée".
"Lors de l'été 2022, on a mesuré des températures de +10 °C au sommet du mont Blanc, ce qui n'est pas sans effet sur les glaciers", poursuit Ludovic Ravanel. "Ainsi, certains glaciers qui, auparavant, restaient toujours froids et collés à la roche, peuvent passer à 0 °C et commencer à glisser. Ce n'est pas encore le cas pour le sommet du mont Blanc, mais il est probable que sa calotte se réchauffe tout de même".
Des sismographes et autres géoradars faisaient aussi partie de la panoplie de l'équipée scientifique franco-italienne. L'objectif étant de recueillir le maximum de données afin de réaliser, en laboratoire, un modèle en trois dimensions de la coiffe de glace et de neige du mont Blanc.
Une mission pour l'histoire du climat alpin
D'ici la fin de l'été, une fois la modélisation achevée, on saura donc tout sur la superficie, l'épaisseur, la masse externe et interne de l'immense tête blanche du géant. Mais elle n'aura pas encore, pour autant, livré tous ses secrets.
Cette mission que nous menons avec des partenaires français auxquels nous sommes associés depuis 20 ans n'est pas un fusil à un seul coup. Notre objectif est bel et bien de créer une série historique sur le climat alpin.
Andrea Cargnino, président de la Fondazione Montagna Sicura
Après la phase de mesures et la modélisation, c'est sans aucun doute la troisième étape de leur épopée scientifique qui intéresse le plus l'équipe de chercheurs franco-italiens.
"Ce que j'attends le plus, c'est de bien connaître les épaisseurs de glace pour pouvoir effectuer ensuite des carottages dans cette croûte de neige et de glace du sommet", s'enthousiasme Ludovic Ravanel.
"On pourra ensuite dater et peut-être découvrir des choses comme des traces de pollution, par exemple. En fait, toutes ces marques qui restent inscrites dans la neige et dans la glace, liste le chercheur. Si l'on peut prélever sur le sommet un échantillon de la couche qui s'est formée il y a des millénaires, lors du réenglacement des Alpes, on aura probablement un échantillon de la glace la plus vieille des Alpes". Et avec elle, un océan de découvertes à faire pour mieux comprendre l'évolution du climat alpin.
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