Arcs 1800
Juge et partie dans une opération immobilière, le maire de La Plagne définitivement condamné

Le 29 avril dernier, la cour d’appel de Lyon a définitivement entériné l’illégalité de la cession de parcelles par la commune de La Plagne-Tarentaise à un promoteur. En cause, la présence intéressée du maire, Jean-Luc Boch, accessoirement patron d'une entreprise de BTP, à qui une partie des travaux ont été sous-traités. De quoi renforcer les soupçons de prise illégale d'intérêt pour l’édile. Une enquête préliminaire a d'ailleurs été ouverte pour d'autres faits similaires à la suite d’une plainte de l'association Anticor.
La messe est dite. Jean-Luc Boch, maire de La Plagne-Tarentaise, célèbre station de sports d'hiver en Savoie, a renoncé à faire appel de sa condamnation, au terme du délai de deux mois nécessaire. En ne portant pas l’affaire devant le Conseil d’État, l'édile accepte une décision qui pourrait lui coûter cher.
L'élu est visé par une enquête du parquet de Lyon pour des soupçons de prise illégale d'intérêts. L'arrêt du 29 avril dernier de la cour d’appel de Lyon, dont Marianne a pu avoir copie, entérine l’illégalité de la délibération du 3 avril 2017 par laquelle le conseil municipal de La-Plagne-Tarentaise a décidé de céder plusieurs parcelles cadastrées à la société La Cascade, au prix d’un million d’euros.
Jean-Luc Boch, qui a préparé la décision et l’a présentée lors d’une séance du conseil municipal qu’il présidait, savait en effet qu’il allait bénéficier de l’opération puisqu’une partie des travaux ont été sous-traités à… sa propre entreprise « Boch et frères ». Or, la jurisprudence est claire : « un conseiller intéressé » ne peut prendre part à la délibération, sous peine de la rendre illégale.
PLAINTE D'ANTICOR
Outre cette procédure, le maire patron de BTP fait en effet l’objet d’une enquête préliminaire du tribunal de Lyon pour « prise illégale d'intérêt » pour les mêmes faits. En plus du soutien du maire à cette opération, les irrégularités se sont multipliées. Dans le cadre de ce projet immobilier baptisé « Les Lodges », un très étrange décalage est apparu entre l’avis des Domaines, l’administration centrale en charge de la gestion du foncier public en cas de cession au privé, et le vote du conseil municipal.
Les Domaines ont en effet planché sur la vente de cinq parcelles cadastrales pour une surface totale de 2,328 m2, quand les élus ont eu à se prononcer sur neuf parcelles pour une surface de 3,265 m2. « Une erreur technique, c’est comme si le chiffre des centaines et des milliers avaient permuté », avait à l'époque plaidé Jean-Luc Boch à Marianne dans un élan de compassion pour la dyslexie arithmétique. Reste que pour la commune, cela se chiffre par un manque à gagner d’au moins 400 000 euros. Sans compter le rachat par la mairie au promoteur et à prix catalogue d’une partie du bâti pour y loger des pompiers et des gendarmes, et de quelques places de parking.
Les gendarmes sous son autorité ayant justement leur caserne dans le bâtiment des Lodges, le parquet de Chambéry s'est dessaisi au profit de celui de Lyon. L’enquête préliminaire est pilotée par la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lyon. D’après nos informations, des perquisitions ont été menées dans la mairie et à d’autres endroits. L'affaire des Lodges n’est pas le seul dossier qui intéresse les enquêteurs. D’autres opérations immobilières, ainsi que la gestion d’une décharge municipale, pourraient conduire à identifier des faits susceptibles de constituer une ou des prises illégales d'intérêts, comme le dénonce la plainte déposée par Anticor le 22 octobre 2019. En confirmant le jugement de première instance qui a mis en cause la légalité administrative de la délibération, l'arrêt de la cour d’appel renforce sensiblement ces soupçons.