La tragique avalanche est gravée dans la mémoire des Savoyards.
Bilan officiel , 39 morts et 34 blessés. Le matin du 10 février 1970, une avalanche détruit un centre de L’UCPA. Cette catastrophe conduit à une prise de conscience des pouvoirs publics. Le Conseil des ministres dès le lendemain du drame s’attache «à voir toutes les mesures raisonnables qui pourront être prises à l’avenir pour réduire ces risques et empêcher de tels événements» rapporte Le Figaro. Ainsi depuis, Météo France est chargé de l’estimation du risque d’avalanche, une science complexe.
Les victimes sont installées sous le préau de l’école
L’émotion est grande à Val d’Isère. La «Mecque du ski» comme la surnomme le quotidien vit comme dans un camp retranché. Le mauvais temps persistant fait toujours peser des menaces sur les personnes bloquées. Personne ne peut rentrer ou sortir de la station, patrie de Jean-Claude Killy ou des sœurs Goitschel.
On ne peut pas évacuer les enfants du fait des conditions météorologiques. Les dépouilles des victimes sont placées dans le préau de l’école. Après deux jours de total isolement, et le travail sans relâche des chasse-neige, les touristes peuvent s’en aller. Le Figaro parle «d’exode» des touristes. Une cohue et des embouteillages dans les rues de la station. Après la peur, les gens souhaitent à tout prix descendre dans la vallée. Puis ce sont les fourgons mortuaires qui rejoignent Bourg-Saint-Maurice où l’église est transformée en chapelle ardente.
La tragique avalanche de Val d’Isère
L'optimisme a été tragiquement démenti. Bloquée depuis le 4 février 1970 par la neige, Val d'Isère, la station savoyarde haute montagne, avait été reliée, le 10 février, à la vallée. La route avait été dégagée. On remettait les pistes en état. Tout danger paraissait être écarté. À Val, comme à Super-Tignes un peu plus bas -à l'endroit où cinq jours auparavant une coulée blanche avait emporté une camionnette et ses quatre occupants- vingt mille hivernants terminaient leurs vacances. Le 10 février, profitant de la liaison routière qui conduit à Bourg-Saint-Maurice, quatre cents personnes avaient quitté les lieux. Rien pourtant n'avait été décelé du danger qui menaçait du haut des sommets. Le 10 février au soir, une petite neige poudreuse tombait: soixante centimètres en douze heures balayés par un vent violent qui soufflait du nord-ouest. Sur toutes les voies, les chasse-neige étaient à l'ouvrage. À Tignes même, par mesure de prudence, plusieurs chalets avaient été évacués.
Telle était la situation aux premières heures de la matinée. Un peu au-dessus de Val d'Isère, dans l'ancien village, une grande bâtisse de pierre taillée. Trois étages construits depuis cinq ans, le Makatu qui, été comme hiver reçoit les jeunes affiliés à l'Union des centres de plein air. Des réfectoires de vastes dortoirs modernes, des salles de conférences et de projections. Un coin sûr, à proximité de l'église, où hommes et bêtes avaient choisi de vivre à l'écart des avalanches qui descendent du Solaize en direction du Fernet.
Deux cent cinquante enfants pris au piège
À huit heures, deux cent cinquante grands gosses prenaient leur petit déjeuner avant de participer aux activités du jour. La plupart Français, venus des villes et des banlieues. Quelques Belges et des Allemands. Moyenne d'âge: à peine vingt ans, filles et garçons, venus de tous les clubs sportifs ou syndicalistes. Au hasard: Neige et cimes, Loisirs P.T.T., des groupes de Lyon, de Toulouse, de Belgique, des stagiaires envoyés par la Fédération de ski. D'Allemagne, six représentants. Encadrement: des moniteurs formés à l'école de la montagne attentifs à ses humeurs et qui, en début de stage, donnent à leurs élèves un cours anti-avalanche. Et parmi eux, Guido Magnone, qui participa à l'expédition du Makalu. (Il est indemne). La bonne humeur est de règle. À l'abri des murs solides, derrière les grandes verrières, la neige apparaît apaisée. Dix minutes plus tard, c'est le drame silencieux, le déferlement lent et implacable. Immense lame blanche qui s'infiltre partout, par toutes les ouvertures, au contraire de la neige mouillée qui écrase de son poids mais peut épargner dans son massif aveuglement.
Devant le centre de l’UCPA de Val d’Isère, des sauveteurs sondent la neige à la suite de l’avalanche du 10 février 1970.
Il existe en effet deux sortes d'avalanches: les avalanches de fond et les avalanches de neige poudreuse (celle qui s'est produite à Val d'Isère) qui sont les plus dangereuses. Il suffit d'une pente de 17 degrés pour que la neige se mette à glisser. Dès lors, les cristaux se rapprochent et chassent l'air qui se trouve entre eux. Cet air est rejeté en partie vers le bas, où il forme un coussin entre la neige et le sol et vers le haut, ce qui provoque le souffle de l'avalanche. La coulée peut atteindre une vitesse de 150km/h.
«Pas le temps de compter les blessés»
La coulée, large d'une centaine de mètres, a dévalé le versant sud du Dôme, de huit cents mètres d'altitude. Elle a coupé la route qui descend vers Bourg-Saint-Maurice et a achevé sa course dans le réfectoire du Makalu, au lieu dit la Grande-Gorge. Depuis cinquante-trois ans, on n'avait rien connu de semblable. En 1917, le village avait été traversé, mais il n'y avait pas eu de victime. Val d’Isère comptait à l'époque une centaine d'habitants.
À 11 heures, le préfet de Savoie déclenchait le plan ORSEC. Paris est alerté.
Dans la station même, moment de stupeur mais la tempête dissimule l'ampleur de la tragédie. Les premiers secours s'organisent. C.R.S., guides, chasseurs alpins du 7e B.C.A. qui précisément préparent les pistes réservées au championnat de ski militaire et volontaires. Tout s'emmêle: visibilité mauvaise, vent de 80 kilomètres à l'heure. Pas question d'utiliser avions des neiges ou hélicoptères. Les premiers corps sont dégagés cependant que la vérité se fait. À 11 heures, le préfet de Savoie déclenchait le plan ORSEC. Paris est alerté. Devant la gravité de la catastrophe, M. Georges Pompidou demande à M. Raymond Marcellin, ministre de l'Intérieur, de se rendre personnellement sur les lieux. M. Marcellin quitte la capitale à bord d'un Mystère 20, accompagné de MM. Bord, secrétaire d'État à l'intérieur, Comiti, secrétaire d'État à la Jeunesse et au sport; du colonel Crespin, inspecteur des Sports; et de M Perreau-Pradler, directeur de la Protection civile. À Paris comme à Bourg-Saint-Maurice, les renseignements sont fragmentaires. Les lignes téléphoniques ne fonctionnent plus et c'est par radio que les sauveteurs transmettent les premiers bilans: trois morts et dix blessés tout d'abord. Une heure et demie plus tard: dix morts et quinze blessés. Une heure encore: les sondages systématiques ont amené la découverte de trente-huit morts. Ce n'est plus un accident. C'est une tragédie.
Parmi les victimes une trentaine de membres de l'U.C.P.A. et une dizaine de personnes qui se trouvaient au dehors, sur la route, notamment des «testeurs» ou des employés de la station qui se rendaient dans le centre du village, à leur travail.
À cinquante kilomètres à la ronde, tout ce qui est valide est alerté. Dernier message: «Pour l'instant on compte les tués. On n'a pas le temps de compter les blessés».
Les blessés, on les conduit auprès d'une vingtaine de médecins: un grand nombre d'entre aux sont en vacances. Il manque des moyens d'évacuation. Toutes les ambulances ont été réquisitionnées. Ce qu'il faut, c'est qu'elles puissent rejoindre Val d’Isère. Une coulée a coupé la route, un peu en dessous de la station. Lorsque des sauveteurs tentent de l'ouvrir, ils dégagent une voiture. À son bord, le conducteur respire encore, mais son passager a succombé. D'autres véhicules ont été emportés. Sous la tempête on découvre encore qu'un hôtel, Les Lessières, a été endommagé. Le toit s'est effondré. Pas de victime. Deux autres bâtiments inoccupés ont été «soufflés».
Des chalets évacués
Plus bas, un convoi de chasse-neige se forme. Il fout à tout prix forcer le blocus de la neige. Les congères forment des murs hauts de plusieurs mètres. À 12 h10, un hélicoptère de la Protection civile établit la première liaison. Un exploit en pleine tempête de neige et par une visibilité nulle. Premier rapport sur l’état des blessés. Laconique: le degré de gravité va de la crise de nerfs au coma. Des appareils de réanimation ont été mis en service mais on craint d'avoir à déplorer des issues fatales. Autre mesure de sécurité dictée par l'instabilité des couches neigeuses des chalets sont évacués et leurs habitants regroupés dans des hôtels au centre de la station. Des spécialistes sondent la neige pour déceler les «failles» et donner l'alerte. Sur place, les anciens donnent leur avis:
«La plupart des installations de Val sont sous la menace des avalanches. Pourtant, la commission des sites a donné un avis favorable.»
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