Alpes : Les écologistes assignent les parapentistes
- Arcs 1800
- 24 juin
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En mai dernier, de nombreux vols de parapentes à proximité d'un nid situé sous le sommet du Moucherotte (38), auraient causé la perte d'une couvaison d'aigles royaux. Suffisant pour relancer la polémique entre défenseurs de la nature et pratiquants du vol libre
Depuis mai dernier, une polémique enfle, dans le massif du Vercors, entre écologistes et parapentistes autour de la préservation de rapaces. Au point qu'une plainte a été déposée après la mort d'un aiglon.
"Je vole avec les oiseaux depuis 40 ans... Et je vais vous dire, les oiseaux : ils se marrent bien de nous voir nous interdire nous-même le ciel". Franck Izoard, président du Comité départemental de vol libre (CVDL) de l'Isère, est en colère. La raison ? "En fait, on veut nous exclure du ciel du Vercors. On nous tend des pièges", commence-t-il par expliquer.
70 parapentes au-dessus d'un nid d'aigles royaux
Le dernier "piège" en date, d'après lui, est une couvaison d'aigles royaux suivie depuis la fin mars par la Ligue de protection des oiseaux (LPO) de l'Isère, installée sous le sommet du Moucherotte, sommet du Vercors au-dessus de Grenoble. Le 12 mai dernier, jour prévu de l'éclosion de son œuf, le couple aurait perdu son oisillon en raison de la présence massive de parapentistes.
"Plus de 70 parapentes ont été observés et photographiés ce jour-là, explique Jean-Marc Taupiac, le directeur territorial de la LPO 38. Ces passages de parapentes à proximité ont provoqué un dérangement très fort pour les aigles. Ce qui a entraîné leur abandon du nid et la mort de l'aiglon."
"Soixante-dix parapentes en un seul jour à cet endroit-là... Moi, personnellement, je n'ai jamais vu ça, rétorque, très remonté, le représentant des parapentistes. On est face à des gens qui veulent tout interdire en montagne. Les parapentistes qui volent sur les sommets du Vercors sont des pratiquants souvent forts techniquement et qui respectent les règles. Lorsqu'un nid est signalé, ils passent au-dessus ou en dessous mais ne s'approchent pas. On les accuse juste de façon dogmatique".
Question de "bulle de quiétude"
Si les défenseurs des oiseaux n'accusent pas l'ensemble des parapentistes, ils pointent volontiers le comportement "irresponsable" de certains adeptes de la discipline. "Les aigles royaux sont des oiseaux plutôt casaniers. Ils ont besoin qu'on leur fiche la paix", estime pour sa part, Jean-Marc Taupiac.
C'est d'ailleurs à la suite de plusieurs signalements de son association, que la ville de Claix (Isère), par un arrêté municipal daté du 8 avril 2025, a décidé d'instaurer une "bulle de quiétude", d'un rayon de 300 mètres, sur la zone de nidification. Une façon d'y interdire toute pénétration humaine.
"Jusqu'alors, on faisait confiance à l'intelligence des pratiquants du vol libre, mais aussi de l'escalade et des activités de sports en montagne en général. Mais là, on est obligé d'aller plus loin", justifie le défenseur de l'environnement. Pour bien enfoncer le clou, la LPO iséroise a d'ailleurs porté plainte pour des actes qu'elle juge "délibérés".
Un dialogue suspendu
"C'est ainsi que l'on stigmatise une pratique, s'insurge de son côté Franck Izoard. On est déjà dans un environnement tellement contraignant : en interdisant toujours davantage, on risque plutôt d'encourager les mauvais comportements."
Le défenseur du vol libre n'a pourtant rien contre ces "bulles de quiétude" instaurées par l'arrêté municipal. Mais c'est l'arrivée prochaine d'un arrêté préfectoral de protection de biotope (APPB), dont la consultation publique vient d'arriver à échéance au 15 juin dernier, qui lui fait craindre une consultation biaisée.
On nous a réuni en groupes de travail et fait identifier nos zones de décollage. Tout ça pour nous dire ensuite : le Vercors pour vous, c'est non. Bientôt, la montagne ne sera plus accessible qu'à des gens qui ont des passe-droits.
Franck Izoard, Président Comité Départemental Vol Libre 38.
"En fait, il s'agit juste d'instaurer sur 400 hectares du Vercors, quatre bulles de quiétude qui garantiront la reproduction des aigles royaux et faucons pèlerins, et des autres rapaces présents sur ce territoire", précise de son côté le représentant de la LPO 38.
Un porte-parole qui ne nie pas les efforts engagés depuis plusieurs années par les différentes associations et représentants des pratiques sportives en montagne (vol libre, escalade, ski alpinisme...) susceptibles de déranger la faune et flore du massif. Parmi ces efforts : la mise en place de moyens de communication communs pour diffuser la cartographie des zones naturelles sensibles, tels que la plate-forme collaborative Biodiv’Sports par exemple.
Mais pour les défenseurs des oiseaux, une protection forte des falaises du Vercors est devenue une nécessité : "Regardez les bons résultats en matière de reproduction obtenus depuis la mise en place de l'arrêté préfectoral de protection de biotope sur la colline de Comboire (située à Seyssins, près de Grenoble, NDLR). En trois ans, on peut maintenant y observer trois jeunes hiboux grands-ducs ! Pour cela, il suffit de laisser tranquilles les oiseaux sauvages", renchérit Jean-Marc Taupiac.
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